Commentaires fermés sur Arthur Sulzberger, patron du “New York Times” et champion de son indépendance

Arthur Sulzberger, patron du “New York Times” et champion de son indépendance

M Arthur Sulzberger

Illustre patron du New York Times pendant trois décennies (1963-1992), Arthur Ochs Sulzberger est mort samedi 29 septembre à Southampton (Etat de New York), à l’âge de 86 ans.

Celui à qui la presse américaine rend un hommage unanime avait profondément modernisé le prestigieux quotidien tout en consolidant son influence et sa réputation. Cette ascension n’a pourtant rien eu d’évident. Tenu en piètre estime par son père, Arthur Sulzberger ne s’est pas imposé facilement à la tête du journal racheté en 1896 par son grand-père maternel, Adolph Ochs.

DÉBUTS PEU GLORIEUX

Né le 5 février 1926 à New York, le jeune Arthur est un étudiant moyen, souffrant de dyslexie. Après avoir servi comme marine pendant la deuxième guerre mondiale, puis la guerre de Corée, il fait ses premières armes journalistiques à la rubrique nécrologie duMilwaukee Journal. Envoyé au bureau de Paris du New York Times, il se distingue par un épisode peu glorieux : en 1955, témoin d’un terrible accident aux 24 heures du Mans qui se soldera par la mort de plus de 80 personnes, il ne pense même pas à prévenir sa rédaction.

De retour à New York, Arthur Sulzberger se voit confier divers postes d’encadrement aux contours mal définis. “Vice-président responsable de rien”, décrira-t-il des années plus tard, avec ce sens de l’ironie et de l’autodérision qui fut sa marque. C’est à la faveur d’un hasard qu’il est propulsé aux avant-postes : patron du journal depuis seulement deux ans, son beau-frère Orvil Dryfoos meurt brutalement d’un arrêt cardiaque en 1963. Le fils mal aimé et inexpérimenté devient à 37 ans le plus jeune directeur de publication de l’histoire du quotidien. Un“pari”, reconnaîtra plus tard dans ses mémoires sa mère Iphigene.

LE SUCCÈS DE LA RÉNOVATION

Quand Arthur Sulzberger en prend la direction, le New York Times est un journal influent et respecté, mais financièrement aux abois, après une grève dure des ouvriers des imprimeries new-yorkaises. Pour le nouveau patron, il y a urgence : le quotidien doit devenir une entreprise aux reins solides, capable de résister aux syndicats. C’est dans cette visée que le quotidien est introduit en Bourse le 14 janvier 1969. Un montage permet cependant de préserver le contrôle de la famille. Le patron se lance aussi dans une politique d’acquisition, investissant dans la presse régionale, magazine et dans la télévision.

Dans le même temps, Arthur Sulzberger entreprend une vaste rénovation du journal. La “vieille dame grise” se modernise avec l’introduction de nouveaux cahiers “mode de vie”“sport” ou “loisirs”. Un tel changement au sein d’un quotidien réputé pour son sérieux fait jaser dans le Landerneau. Mais le succès, rapide, met fin aux critiques. Le New York Times attire les annonceurs et conquiert un nouveau public. En quelque trente ans, la diffusion quotidienne passe de 714 000 à 1,1 million d’exemplaires. Le journal est lu de la côte Est à la côte Ouest.

BRAS DE FER AVEC LA MAISON BLANCHE

Sur le front éditorial, le journal connaît aussi un âge d’or. En 1971, Arthur Sulzberger frappe un grand coup en autorisant la publication des fameux “Pentagon Papers”. En tout, 7 000 pages de documents“secret-défense” qui lèvent le voile sur les mensonges répétés de l’administration américaine pour précipiter l’intervention militaire au Vietnam. Les avocats conseils du journal tentent de l’en dissuader, mais Arthur Sulzberger tient bon. A l’issue d’un bras de fer avec l’administration Nixon, l’affaire se solde par une victoire du New York Times devant la Cour suprême.

Le quotidien gagne encore en notoriété et son patron est érigé en garant de la liberté de la presse. Un principe que ce dernier s’applique d’ailleurs au quotidien : jamais Punch comme il est surnommé depuis son enfance, en référence au spectacle de marionnettes “Punch et Judy” (le prénom de sa soeur) n’interfère dans le contenu éditorial de sa publication. Pour manifester certains désaccords, il se contente d’envoyer des courriers signés d’un pseudonyme.

Arthur Sulzberger quitte peu à peu le journal, abandonnant la direction en 1992, puis la présidence du conseil d’administration en 1997. C’est son fils Arthur Jr qui reprend le flambeau, conservant le New York Times dans le giron familial pour la quatrième génération.

 Le Monde.fr Marie de Vergès 02.10.12
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