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Ce que parler veut dire…

Le pénible événement du Métropolis à provoqué une véritable onde de choc. Dans une société où l’on se croyait à l’abri de la violence, ne voilà-t-il pas,  au moment même où l’on célébrait la démocratie – c’est-à-dire, entre autres, la capacité à vivre ensemble par delà les différences et la diversité – qu’un citoyen apparemment comme les autres, brise le consensus et, au lieu d’écouter la voix  des urnes, fait parler des armes à feu.

Onde de choc donc qui, en jetant bas un certain nombre de certitudes, a amené un certain nombre de remises en question qui,  somme toute, pourraient s’avérer salutaires.

Le poids des mots

De tous ces débats il en est un qui a particulièrement retenu notre attention. On a en effet entendu quelques penseurs esquisser (enfin!) des réflexions sur les dérives des discours, dans les médias ou sous la coupole de l’Assemblée Nationale et ailleurs encore,  qui depuis quelques années nous emportent dans des flots de paroles parfois plus violentes que bien des agressions physiques.

On a ainsi trop souvent utilisé les mots sans souci de leur sens réel, uniquement pour leur poids, comme armes et projectiles.  En tirant ainsi systématiquement à boulets rouges sur l’adversaire, nul n’a eu cure des dégâts collatéraux qu’un tel mésusage pouvait provoquer.

Bilan : Perte totale de crédit et de crédibilité de ceux qui nous gouvernent et, conséquemment, fondements ébranlés de nos institutions et  valeurs citoyennes. Avec tout ce que cela a déjà entrainé et, à Dieu ne plaise!, pourrait encore nous pendre au nez…

Les mots justes

Ces réflexions sur le poids des mots ne seront crédibles et utile que si elles ne sont pas seulement l’effet d’une émotion passagère. Elles ne devront aussi, surtout pas, déboucher sur un langage aseptisé, sur des discours vides, faits de circonlocutions et de paraboles et ainsi privé de substance. Une telle évolution serait aussi désastreuse que celle qu’elle prétendrait corriger.

Un juste milieu entre les discours incendiaires et les discours soporifiques est à trouver et, à notre sens, il n’est possible de faire cette construction que sur la base des mots justes, utilisés toujours à bon escient. Ceci est valable pour les politiciens dans la mesure où gouverner, autant que la capacité à décider, c’est l’art et la manière de dire les choses vraies; c’est également valable pour les communicateurs (et les médias en particulier) trop souvent oublieux du fait que leur métier  n’est pas seulement de flatter leurs employeurs, leur lectorat et leur annonceurs, mais aussi et surtout de participer à un travail collectif de pédagogie citoyenne.

En ce sens, pour illustrer le propos, posons une question : quel aurait été le mot juste pour évoquer le tireur du Métropolis et son acte dément?

S’agissant d’une utilisation d’armes meurtrières, motivée par un prétexte politique, visant à provoquer le maximum de dégâts humains et semer la terreur, l’unique vocable adéquat nous semble être «terrorisme». Or, jamais ce terme n’a été utilisé dans les centaines de millions de mots qui ont décrit l’attentat et son auteur.

En aurait-il été de même si ce dernier avait appartenu à un autre segment  ethnique de la population québécoise?

Petite satisfaction pour ceux qui comme nous tiennent le terrorisme pour une maladie mentale  et les terroriste pour une maladie mentale: tout le monde s’est complu à souligner  les «problèmes psychologiques et peut-être psychiatriques» du suspect. Mais, redisons-le, il y avait un mot plus juste pour le décrire; un mot dont l’utilisation, dans un autre contexte, n’aurait plus pu servir alors, à faire verbalement violence, insidieusement, à des citoyens dont le seul tort est d’être différents.

Le mot de la semaine : Héros

Il y a un juste mot que nous n’hésitons pas une seconde à utiliser. Héros. Pour qualifier feu Denis Blanchette.

L’intervention de ce technicien de scène a certainement fait échouer les plans du tireur fou et évité un bain de sang.

Il l’a payé de sa vie. Mais, citoyen de base travaillant toujours dans l’ombre, il a fait que la démocratie reste dans la lumière. Et, encore un mot juste : il n’est certainement pas hors de propos de le qualifier de martyr de la démocratie. Il méritait ici un hommage – comme il a mérité tous les hommages qui lui ont été rendu – et nous le lui rendons volontiers.

Les mots essentiels

Parmi les mots justes, retenons quelques passages essentiels du discours de la victoire prononcé par Mme Pauline Marois. La Première ministre  élue à réitéré une conviction que nous lui connaissions déjà : Une démocratie vraie se fonde sur le respect et la défense  des droits de tous les citoyens sans exception.

Ici et là, certains ont  voulu considérer qu’en citant particulièrement à ce chapitre les Anglophones et les Autochtones, elle «excluait» d’autres groupes ethniques.  Cette appréciation traduit sans doute certaines inquiétudes et appréhensions que ressentent de nombreux allophones.

Pour notre part, parce que nous avons toujours jugé les gens sur leurs actes et non sur leur image, nous avons entendu Mme Marois dire : «Je serais la Première ministre de tous les Québécois» et tout allophone que nous sommes, parce que nous nous sentons pleinement Québécois et que nous ne laisserons personne prétendre le contraire, nous la croyons.

Abdelghani Dades: (Edito Atlas.Mtl 189 du 13 au 26 septembre 2012)

 

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