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Dar Al Maghrib; Montréal, Qc, Ca

Depuis le 20 mai écoulé, le Canada – tout particulièrement le Québec –  n’a cessé de se parer aux couleurs marocaines. Les visites de haut rang se sont succédées, celle du Président du Parlement, celles de pas moins de quatre ministres et, point d’orgue, celle de SAR la Princesse Lalla Hasna. Les activités aussi et notamment la célébration à Ottawa et Montréal, du cinquantenaire de l’établissement de relations diplomatiques bilatérales.

Mais on retiendra tout particulièrement un acte que l’actualité locale, malgré son exceptionnelle densité, n’aura pas réussi à éclipser : l’inauguration de Dar Al Maghrib.

Qu’est-ce que Dar Al Maghrib ?

C’est une bâtisse, sise angle Viger et Berri, au cœur de Montréal, d’une superficie de deux mille cinq cent mètres carrés, aménagée au coût de 12,5 millions de dollars. Les cinq niveaux deu bâtiment abritent notamment des salles multifonctionnelles, une salle de spectacles, une aire d’exposition, une bibliothèque, une médiathèque, des classes pour des cours de langues et plusieurs espaces pour enfants et pour des réunions. Aménagés et décorés selon une architecture et avec des matériaux reflétant l’art et la culture du Maroc, les espaces constituant “Dar Al-Maghrib” (Maison du Maroc) à Montréal allient les contenus traditionnels et l’évolution moderniste du patrimoine culturel marocain.

Un petit détail qui vaut son pesant de symbolique : Les frises de plâtre («tagabast») traditionnelles en haut relief de Dar Al Maghrib, outre les arabesques traditionnelles, s’ornent de deux motifs inédits : des fleurs de lys et des feuilles d’érable. Le message est clair : Cette maison n’est pas seulement celle des traditions, mais aussi et surtout celle du vécu quotidien, le notre, celui des canadiens d’origine marocaine.

Les autorités marocaines qui ont voulu et réalisé ce projet le signifient d’ailleurs noir sur blanc : dans les fascicules distribués à l’assistance lors de la cérémonie d’inauguration on peut ainsi lire que Dar Al Maghrib «s’inscrit dans le cadre de la politique du Maroc visant à promouvoir la culture et la civilisation marocaines à travers le monde et à favoriser l’intégration de ses ressortissants à l’étranger dans les sociétés des pays de résidence tout en contribuant à consolider leurs liens avec leur pays d’origine.»

La politique dont il est question relève, il est utile de le préciser, de l’évolution en cours dans les rapports que le Maroc veut désormais entretenir avec ceux qui en sont originaires et qui ont choisi de vivre ailleurs. Il y a peu, quelques années ou quelques décennies, nous étions des «TME» (Travailleurs Marocains à l’Étranger»), c’est-à-dire des gens louant leurs bras à des pays tiers pour une durée supposée limitée, appelés à rentrer tôt ou tard et entretemps, fortement invités à nous abstenir de toute «ingérence» dans les affaires de la société hôte. Cette vision, débouchant dans le concret à nous faire vivre en marge à la fois du pays de vie et du pays d’origine, fort éloignée de nos besoins et aspirations, n’a pas résisté longtemps à la réalité. Dans les faits d’abord, puis ensuite dans les textes et les lois, nous sommes devenus des «RME» (Ressortissants Marocains à l’Étranger), puis des «MRE» (Marocains Résident à l’Étranger).

Le défilement des acronymes, loin s’en faut, n’est pas un simple exercice sémantique. Il est bien plus l’expression d’une volonté de se conformer aux réalités que l’on ne parvient pas encore vraiment à formaliser. Mais dans laquelle chacun des acteurs à une contribution à apporter, un rôle à jouer.

Côté Maroc, on est en bon chemin. La Constitution adoptée en juillet dernier, consacrant pas moins de quatre de ces articles aux MRE, pose le cadre; une étude stratégique en cours précisera les orientations et des lois à venir définiront les modalités de cette citoyenneté s’accommodant sans préjudice de deux appartenances.

Les décideurs Québécois et Canadiens l’entendent également de cette manière; preuve en est donnée par les allocutions de Mme Kathleen Weil, présente à l’inauguration, et du représentant de la Ville de Montréal; comme le discours, quelques jours auparavant, à Ottawa, lors des cérémonies de célébration du cinquantenaire de l’établissement des relations diplomatiques canada-marocaines, de M. Jason Kenney.

Un modèle est donc en train de naître, qui profitera non seulement à la communauté canadienne des originaires du Maroc, mais à l’ensemble des communautés culturelles du pays.

Mais quid des citoyens concernés, acteurs sans lesquels rien ne saurait être? Au Canada par exemple, où les originaires du Maroc sont au nombre de 120 000 à 150 000, compte non tenu des jeunes nés ici de parents marocains ou de ceux qui après 30 ou 40 années de rupture, redécouvrent leurs racines et renouent avec l’attachement aux sources?

Deux activités récentes nous laissent croire que les nouvelles approches sortent de la latence et commencent à faire leur chemin dans les idées et les comportements. Il y a deux semaines en effet, un premier colloque sur le thème «Citoyenneté et participation politique» laissait entrevoir une sortie imminente du segment maghrébin de la population canadienne de sa léthargie civique. Plus récemment, un second colloque, traitant de «Maroc-Québec-Canada : Questions d’avenir», permettait de constater – selon la très belle formule du Dr Aziz Chrigui – que la communauté achevait son «deuil des mythes» (dont le mythe du retour), et se préparait à affronter le «choc des réalités». Le tout certes non sans résistances de la part de ceux qui continuent de vivre dans le passé, de ne croire qu’en le seul Maroc, mère-patrie nourricière et État providence.

Et il restera ensuite à convaincre nos concitoyens que nous sommes là pour rester et construire, afin que se prénommer Mohamed ne soit plus un obstacle à l’accès à l’emploi. Et dans ce but, Dar Al Maghrib, espace d’échange, de débat et de dialogue, inscription dans la pierre de notre identité et de notre diversité, adresse de notre contribution et de nos apports à Montréal, au Québec et au Canada, offrande presque votive à notre communauté au sens le plus large, est un lieu privilégié et une réalisation plus qu’utile.

Abdelghani Dades: (Edito Atlas.Mtl 182 du 7 au 20 juin 2012)

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