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Homme d’affaires et ex-trafiquant?

abdelhakim-bouarfa-avec-sa-soeur, lors de vacances à Dubaï en 2008.

L’ancien propriétaire d’une résidence pour personnes âgées réputée de Saint-Jérôme se démène pour éviter l’extradition vers la France, où les autorités le présentent comme un véritable baron de la drogue ayant fui la prison pendant près de 20 ans.

«Ils disent ça, mais tout est faux, c’est incroyable!», a laissé tomber Abdelhakim Bouarfa, au cours d’un entretien avec La Presse de la prison de Rivière-des-Prairies.

À première vue, personne n’aurait soupçonné M. Bouarfa, qui a refait sa vie dans les Laurentides après avoir vécu au Maroc, en Algérie et en France.

Citoyen canadien et algérien, homme d’affaires avisé, père de famille: le quinquagénaire était apprécié dans son milieu. Il a investi ici grâce à des économies qu’il disait avoir amassées dans l’immobilier. Dès 2004, il a fait sa marque comme propriétaire d’une résidence bien cotée de 40 logements pour personnes âgées semi-autonomes, rue Laviolette, à Saint-Jérôme.

«Je suis venu parce que j’aime le Canada. C’est l’Amérique francophone, c’est un pays que j’ai toujours aimé. J’ai ma famille et mes enfants ici, dont un qui est né ici», raconte-t-il.

Dans la ligne de mire d’Interpol

La paisible existence de M. Bouarfa bascule en avril 2008, lorsqu’il vend la résidence de Saint-Jérôme 3,7 millions et s’envole vers l’Algérie. Trois jours plus tard, la police algérienne l’arrête et lui annonce que la France a lancé un mandat d’arrêt international à son endroit par l’entremise d’Interpol.

L’organisme précise que la France «serait particulièrement intéressée par l’arrestation de ce dangereux malfaiteur».

C’est que deux trafiquants de drogue français devenus délateurs l’ont dénoncé en tant qu’ex-chef d’organisations criminelles spécialisées dans l’importation de haschisch.

L’un d’eux, condamné en 1993, affirme que M. Bouarfa l’a employé de 1988 à 1992 pour importer la drogue par bateau et par voiture jusqu’à Lyon. Le deuxième, arrêté avec une gigantesque cargaison de trois tonnes de haschisch, identifie aussi M. Bouarfa comme le commanditaire de l’opération. La police française affirme dans un document que ce dernier était «déjà très bien connu à Lyon pour organiser des importations de résine de cannabis en provenance du Maroc».

M. Bouarfa a été condamné par les tribunaux français à deux peines de 10 et 15 ans de prison lorsqu’il était à l’extérieur du pays. Aujourd’hui, il nie toujours les accusations et prétend que les délateurs ont fait de lui un bouc émissaire.

«Ils ont dû donner mon nom pour se sortir d’affaire», résume-t-il.

En vertu d’accords franco-algériens, M. Bouarfa a été jugé en Algérie pour les accusations les plus récentes. Il a été acquitté. La Cour suprême algérienne a récemment confirmé le verdict.

M. Bouarfa croyait être tiré d’affaire. Le 21 août 2010, il prend un vol vers Montréal, pensant revenir à sa petite vie tranquille.

La GRC s’en mêle

Mais les autorités françaises n’ont pas dit leur dernier mot. Insatisfaites de l’évolution de la situation, elles continuent de réclamer M. Bouarfa.

La GRC est informée que l’homme d’affaires est en route pour Montréal et que la police française le recherche.

Dès son arrivée à l’aéroport, M. Bouarfa est arrêté de nouveau.

Son avocat, Me Alexandre Bergevin, a soutenu que son client est victime «d’acharnement» de la part de la France.

«Nous estimons que les procédures entreprises par la République de France à l’égard de notre client sont abusives et […] rendent son extradition potentielle injuste ou tyrannique», a-t-il insisté.

L’avocat affirme que son client a déjà été innocenté en Algérie pour le dossier de 1996 et que le dossier de 1993 devrait être prescrit en France, car il remonte à trop loin.

Des prétentions que rejette le ministre de la Justice, Rob Nicholson.

«À mon avis, il n’existe aucun fondement pour donner à l’acquittement prononcé en Algérie préséance sur les déclarations de culpabilité inscrites en France», répond-il dans une lettre, en ordonnant l’extradition de M. Bouarfa.

«En l’absence de preuve convaincante permettant d’écarter la présomption de bonne foi qui existe entre le Canada et la France, je suis convaincu de la bonne foi de la demande», ajoute-t-il.

M. Bouarfa a porté son dossier en appel. La Cour d’appel du Québec doit se pencher sur son cas le 12 juin.

Vincent Larouche
La Presse

 

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