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Attention, ceci est un texte halal…

«L’État n’a que faire dans la chambre à coucher des citoyens» disait, dans les années 60, je ne sais plus quel homme politique français. Mais comme la politique est un éternel recommencement et qu’elle se nourrit de tout et de n’importe quoi, un demi-siècle plus tard, la voilà qui fait irruption dans la cuisine des citoyens.

Il est bien sûr là question, vous l’aurez deviné, de la «polémique» que certains élus ont voulu créer sur la question du «halal» et, dans la foulée, sur le «casher».

Disons tout de suite que ce  pseudo-débat est une byzantinerie qui n’a d’égale dans le passé des hommes que les discussions sans fin sur le sexe des anges.

C’est cette vanité, cette vacuité du sujet qui a fait que nous n’avons pas  voulu nous en mêler dans un premier temps. Mais dès lors que la question a franchi le seuil de l’Assemblée Nationale, continuer de se taire reviendrait à une démission citoyenne inadmissible.

Car, de toute évidence, si la question n’avait pas été agitée en France électorale, elle n’aurait jamais été soulevée par chez nous; or, rien ne m’irrite plus que ce fait que le Québec s’enrhume chaque fois que la France éternue. Permettez-moi l’expression fort triviale «Y’en a marre!»; car ici, nous avons nos problèmes propres, nos idées propres et notre intelligence propre. Que ceux qui ne sont pas d’accord et continuent de voir en Paris leur unique capitale des idées et de l’intelligence s’en aillent vivre là-bas. Il y en a qui l’ont fait déjà et la Belle Province ne s’en est pas plus mal portée!

Ceci dit, revenons à notre sujet.

Toutes les souffrances des aliments

Le grand argument des contempteurs des habitudes alimentaires (ou des rites alimentaires) de la diversité est le stress des bêtes au moment de l’abattage rituel. Stress, évidemment décrété de raisonnement d’hommes; mais qu’en savons-nous? Qui peut prétendre avoir été animal sacrifié dans une vie antérieure et s’en souvenir au point de s’insurger?

D’autre part, qui peut dire, sans doute raisonnable, que l’étourdissement du choc électrique avant l’égorgement est moins stressant que l’égorgement direct? Et puisque de toutes façons, avant de finir dans nos assiettes (y compris au restaurant Le Sénateur), une bête doit être morte,  qu’est-ce que cela change à l’appétit de celui qui ne serait ni végétarien, ni végétalien?

Ces propos vous semblent cruels? Ah ouais donc! Et la souffrance du poisson quand le pêcheur relève ses filets? Et la douleur du homard quand on le plonge vivant dans l’eau bouillante? Et la détresse de la carotte quand on l’enlève à la terre nourricière?

Dans la même veine : doit-on continuer à arracher les pommes (les «cueillir», en termes politiquement corrects) ou attendre qu’elles signent leur mort clinique et légale en tombant de l’arbre avant de les consommer? Faut-il anesthésier l’érable avant d’entailler sa délicate écorce pour en extraire le jus qui deviendra notre sirop-emblème? Etc. etc.

Les causes et effets réels d’une polémique stérile

Suivisme et vacuité sont sans doute la marque de fabrique de cette polémique. Mais  – comme dit plus haut – si la politique et le personnel politique se nourrissent de tout et de n’importe quoi, ce type de régime alimentaire se digère très mal au niveau des populations. Les mauvaises causes sont socialement particulièrement indigestes. En l’occurrence, le débat sur le halal et le casher, ne peut à notre sens avoir qu’un seul effet : stigmatiser une partie de la population du Québec au seul prétexte que «ces gens là», parce qu’ils «ne mangent pas comme nous autres», représentent un péril.

Mais attention là! J’ais vu à la télévision un homme qui mangeait son potage à l’aide d’une fourchette. Petit fils de fourchetier (troisième génération), il pratique un rite alimentaire particulier donc suspect et potentiellement dangereux pour notre civilisation. Le plus grave dans l’affaire est qu’il a l’air d’un Québécois moyen tel que nous imaginons la physionomie du  Québécois moyen et il ressemble même, un peu, à Thomas Mulcair. Assez peut-être pour créer un nouvel amalgame qui risque, sait-on jamais?, de se transformer en casus belli contre le NPD…

La politique, la chambre à coucher et la cuisine

Cessons là les divagations. Car, malgré tout, le sujet peut revêtir quelques aspects sérieux.

Il en a été ainsi de la chambre à coucher d’ailleurs; après avoir joué Ponce Pilate, les gouvernements ont en effet du se prononcer contre l’homophobie. Il pourrait en être de même pour ce qui est du «halal» et du «casher». Pour l’étiquetage certes, avec le rajout d’une mention ou d’un pictogramme qui compléterait les informations nutritionnelles et les indications d’origine. Mais aussi parce que, comme dans tous les commerces frayant avec le religieux, les produits alimentaires risquent, en l’absence d’encadrement d’être transformés en «usines à pognon» attentatoires au portefeuille des citoyens, à l’initiative de quelques modernes Marchands du temple pas toujours barbus.

Mais tout cela relève du cadre réglementaire, pas du domaine législatif et encore moins du débat politique.

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl numéro 177 du 29 mars au 11 avril  2012)

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