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Immigration au Canada: veuillez patienter

Plus que jamais, les candidats à l’immigration doivent s’armer de patience avant d’obtenir le feu vert pour s’installer au Canada. Les délais de traitement des demandes de résidence permanente s’étirent de 15 à 63 mois. Quatre ans après la mise en route du plan conservateur pour accélérer l’immigration, les effets peinent à se faire sentir, même si les candidats sont de moins en moins nombreux.

En 2011, les dossiers des candidats à la résidence permanente dans les catégories familiale et humanitaire ont été traités en 21 et 33 mois en moyenne, indiquent des données de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). C’est plus long qu’il y a trois ans.

Ces temps de traitement sont aussi plus longs que celui des candidats à la résidence permanente de la catégorie économique: en moyenne, leurs dossiers ont été traités en 27 mois en 2011. En 2007, le délai était de… 63 mois.

En revanche, chaque sous-catégorie de candidats à la résidence permanente économique a vu son temps d’attente augmenter au cours des dernières années.

Avec les amendements à la Loi sur l’immigration adoptés en juin 2008, le gouvernement fédéral avait pourtant promis de réduire les délais de traitement des demandes de résidence permanente d’ordre économique, notamment celles de «travailleurs qualifiés», dont le profil est particulièrement recherché au Canada.

«C’est un échec. On l’avait dit à l’époque, et on le redit aujourd’hui», estime la députée néo-démocrate Olivia Chow.

Les demandes de résidence permanente de ces «travailleurs qualifiés» sont traitées de plus en plus lentement: de 8 mois en 2008 à 17 mois en 2010, le délai est passé à 20 mois en 2011.

Dans la catégorie de «l’expérience canadienne», créée elle aussi en 2008 pour les étrangers qui ont reçu un diplôme au Canada ainsi que les détenteurs d’un permis de travail temporaire, les délais sont passés de 1 mois, en 2008, à 11 en 2010 et à 15 en 2011.

En fait, seuls les demandeurs classés parmi les «gens d’affaires» ont vu leurs délais de traitement être réduits considérablement: en 2011, ils n’attendaient plus 63 mois comme en 2008 pour leur résidence permanente, mais 49 mois.

«On entend souvent dire qu’il faudrait mieux cibler les immigrés avec les besoins du marché du travail. Mais ça n’a aucun sens, avec des délais de traitement qui prennent plusieurs années. Si un employeur a besoin de soudeurs ou d’ingénieurs, il ne peut pas se fier au système d’immigration», dit Stéphane Reichhold, de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.

Résultat: les employeurs comme les candidats se tournent de plus en plus vers les programmes de résidence temporaire. Mais même pour ce type de permis, les délais de traitement des demandes ont grimpé au cours des dernières années (11 semaines de traitement en 2010 pour un permis de travail contre 16 en 2011).

Ainsi, si le nombre de demandes de résidence permanente, toutes catégories confondues, a diminué au cours des deux dernières années, le nombre de demandes de résidence temporaire a explosé.

Immigration Canada souligne toutefois que l’amélioration est palpable, derrière les délais de traitement des demandes de résidence permanente dans les catégories économiques: ces nouvelles catégories ont en effet créé un appel d’air lors de leur création.

«Tous les délais ont augmenté dans les catégories individuelles. Mais on a traité plus de dossiers soumis dans les nouvelles catégories [travailleurs qualifiés, expérience canadienne], explique Rémi Larivière, porte-parole de CIC. On traite moins de cas qui prennent 60 mois, et plus qui prennent 15 mois.»

Mais pour les fonctionnaires de CIC, la raison de ces retards est simple: le manque d’effectifs, imposé par les compressions budgétaires des conservateurs.

«Si mon équipe passe de 10 à 7 personnes, est-ce que je vais vraiment faire le même volume? Si oui, c’est que je le fais mal, et que je vais laisser entrer des gens qui ne le devraient pas», explique un proche de l’Alliance canadienne de la fonction publique (ACFP).

Selon notre interlocuteur, l’enveloppe allouée à CIC devrait encore rétrécir dans le prochain budget fédéral.

«Le gouvernement veut rendre ces démarches plus efficaces. Et dans une certaine mesure, c’est vrai. Mais pour nous, c’est une vraie préoccupation. Il n’y a aucune création de postes et le gouvernement essaie de réduire le nombre de postes permanents.»

Pourtant, dans les chiffres fournis par CIC, le nombre de ces employés, permanents ou non, est plutôt à la hausse depuis 2007. Il est passé de près de 3800 à 4500.

Particulièrement préoccupé par le sort des demandeurs de résidence permanente pour les catégories humanitaire et familiale, le Nouveau Parti démocratique croit aussi que le système d’immigration pourrait être désengorgé si les bureaux de CIC, notamment à l’étranger, avaient plus de personnel.

Sadia Groguhé, députée néo-démocrate de Saint-Lambert, regrette que certaines demandes de renseignement exigées par CIC alourdissent inutilement le processus des demandeurs des catégories humanitaire et familiale.

«L’immigration a un volet humain et, dans tous les cas, ces délais ont des conséquences dévastatrices sur les familles. On voit beaucoup de détresse émotionnelle. Ça brise des familles et on constate aussi un appauvrissement des familles et des ménages, dit-elle. On fait venir ici des personnes vaillantes pour aider le développement économique et, au final, elles sont dans l’incapacité de s’investir pleinement.»

Anabelle Nicoud
  La Presse

Avec William Leclerc

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