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Les difficiles voies du changement

Abdelilah Benkirane, Premier ministre du Maroc

Devant le soulèvement des peuples arabes contre l’injustice, l’absence de démocratie et de libertés et la revendication de la simple dignité avant tout, chacun des régimes des pays concernés a opté une attitude pour gérer les mouvements. C’est ainsi qu’au Maroc, suite aux contestations du mouvement du 20 février, les décideurs ont privilégié la voie pacifique de la sagesse en optant pour des changements, qui ne répondent pas totalement aux attentes des Marocains, certes; mais, il faut le reconnaitre, ces changements  permettent tout de même de garder l’espoir  en une transformation graduelle vers une démocratie plus concrète permettant une répartition équitable des richesses et une équité des chances pour tous les citoyens.

Dans l’histoire du pays depuis  son indépendance,  Le 25 novembre2011  restera  une date considérée  comme le début d’une ère nouvelle. En effet, elle a connu Les premières élections législatives  unanimement reconnues libres,  indépendantes et n’ayant subi aucune altération. Bien que le taux de participation déclaré officiellement ne fût que de 45.40%, c’est la première fois qu’il y a unanimité entre tous les acteurs politiques, les observateurs nationaux et internationaux et la société civile marocaine sur le fait que ces élections ont été une réussite sans précédent. Ce qui ne rend que plus crédible la victoire du parti Justice et du Développement (PJD)  qui enlève 107 sièges sur un total de 395 soit 27.08%.

Une première lecture du fait révèle nettement une régression des partis dits  progressistes  et libéraux, sanctionnés pour leurs  résultats  médiocres réalisés depuis 1997, au nom d’un gouvernement dirigé par le socialiste Abderrahman El-Youssoufi. Pour laisser place à la montée du  parti islamique PJD,  les partis de la Koutla (PI, USFP et le PPS) réunis  n’ont remportés que 109 sièges.

La seconde observation portera sur  la défaillance du mode électoral adopté, qui ne peut donner, en aucun cas, à un parti la possibilité de constituer une majorité aisée lui permettant de gouverner seul et d’appliquer  son programme, d’où la nécessité d’une cohabitation politique systématique, impliquant des concessions  contraignantes en terme de respect du choix de l’électorat d’une part et d’autre part d’être effectivement jugé sur résultats de fin du mandat.

En dernier lieu il faut attirer l’attention sur le fait qu’ il importe de noter que toutes les étapes qu’a traversé le Maroc au cours de la dernière année, ne sont que des moyens; la fin étant le résultat auquel vont mener  ces changements. Il est donc trop tôt pour juger du succès ou de la stabilité du processus de réforme au pays. Ceci dit, il est clair que les défis demeurent énormes, l’héritage étant lourd, la responsabilité de réussir incombe à tout le monde et à tous les niveaux, institution royale, partis politiques (majorité et opposition)  et société civile.

Car si tout le monde est unanime sur la moralisation de la vie politique, la revalorisation des institutions, la promotion de la bonne gouvernance et du développement humain, le véritable  tournant historique, décisif si le Maroc veut réellement créer la différence par rapport aux autres  et par le fait même éviter l’enlisement  dans la confrontation, est le succès de la démarche initiée par le scrutin du 25 novembre 2011, succès qui doit se dessiner avec ce gouvernement; même si l’on ne croit pas comme beaucoup semblent le penser, qu’ un éventuel échec du gouvernement Benkirane serait une catastrophe nationale. Mais les risques demeurent importants;  les attentes vis-à-vis du nouveau  gouvernement sont immenses. Il aura besoin  d’une opposition constructive – levier indispensable pour l’aider  à la réalisation et à  la concrétisation de résultats  capables de satisfaire la rue. Il aura besoin aussi de citoyens eux aussi participatifs, patients  et vigilants.

Cela sera-t-il le cas? Les prémices  semblent moins  encourageantes, sinon quelle explication pouvons-nous donner à cette multitude des manifestations et sit-in a travers tous le pays qui mettent beaucoup de sable dans le mécanisme du changement rejoignant ainsi objectivement  des lobbys qui ne manqueront pas de s’opposer aux vœux de progrès et de développement du peuple Marocain et  de son Roi?

Hajjar Jerroumi (Atlas.Mtl 173 du 19 janvier 2012)

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