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Imed Trabelsi : «Je ne suis pas un ange»

Imed Trabelsi : «Je ne suis pas un ange»

Tunis (Tunisie), le 10 août 2011. Imed Trabelsi, neveu du président déchu Ben Ali, lors du procès de 23 membres du clan. | AFP PHOTO / FETHI BELAID

C’est sa première interview depuis son arrestation le 14 janvier 2011, jour de la chute du régime Ben Ali. Imed Trablelsi, 37 ans, le neuveu du dictateur tunisien déchu et de son épouse Leila, est emprisonné depuis un an dans la caserne de l’Aouina, tout près de l’aéroport de Tunis-Carthage. Il est détenu au côté de plusieurs personnalités et anciens ministres tombés après la révolution.

Considéré comme l’homme le plus détesté de Tunisie, symbole d’un régime corrompu, il est soupçonné d’avoir profité de son nom pour s’enrichir au travers de différentes sociétés, usant parfois de méthodes d’intimidation. Sans véritablement s’amender, le « neveu préféré » du clan Ben Ali reconnaît du bout des lèvres « ne pas être un ange », et admet même certains abus du régime de son oncle. Réalisée avec l’aide de son épouse Sarah, qui lui rend visite chaque semaine en prison, et avec l’accord de son avocat tunisien, Me Saidi, l’interview a été rédigée à la main et en français par Imed, depuis sa cellule, et retranscrite sans intermédiare.

Comprenez-vous les raisons qui ont poussé le peuple tunisien à se soulever contre le régime de votre oncle ?
IMED TRABELSI.
 J’ai suivi les événements à travers les médias tunisiens comme la majorité des citoyens. Ce soulèvement était une grande surprise pour moi. La situation ne me semblait pas explosive au point d’imaginer une révolution. Il est vrai que les conditions de vie pour certaines couches de la population étaient difficiles, aggravées par un chômage important et une criseéconomique internationale. Il est vrai aussi que certains proches, ou qui se faisaient passer comme tels, profitaient de leurs relations pour faire des affaires. Mais pour cela, il fallait l’accord des responsables politiques en charge des secteurs économiques concernées. En ce qui concerne Ben Ali, au début de son accession au pouvoir, je trouve qu’il remplissait bien son rôle. Au fil du temps, beaucoup de nouveaux éléments se sont accumulés, favorisant sa chute : la crise économique, mais aussi les restrictions envers les libertés et les opposants politiques. Il s’est peu à peu éloigné du peuple.

Un an après, quel regard portez-vous sur ce soulèvement ?
La révolution n’est pas encore complètement achevée et n’a pas atteint tous ses objectifs. Pour être démocratique, un régime politique doit s’appuyer sur une justice équitable et des médias libres et indépendants. Ces deux conditions ne sont pas encore réunies pour le moment.

Quel est votre situation actuelle sur le plan judiciaire ?
Je suis victime d’un acharnement. Je n’ai pas bénéficié de la grâce générale accordée au cours du mois de mars 2011. A ce jour, j’ai été condamné à 33 ans de prison, notamment pour avoir émis des chèques sans provision. Ces chèques provenaient des comptes de mes sociétés dans le cadre de mon activité professionnelle, et n’étaient pas destinés à me payer des voitures ou des costards ! Le problème, c’est que ces chèques ont été encaissés après le gel de l’ensemble de mes comptes. Je suis donc insolvable, mais les créanciers continuent de déposer ces chèques sans que je puisse les honorer. J’ai également été condamné à 4 ans de prison pour avoir consommé du cannabis. On m’a fait des analyses soi-disant positives 14 jours après mon arrestation, alors que je n’ai pas touché à ça depuis 10 ans. Dans sa décision, le juge écrit que cette peine très lourde était justifiée « compte tenu de la personnalité de l’accusé ». J’ai aussi été condamné à deux ans de prison pour avoir tenté de fuir la Tunisie, alors que je n’étais frappé d’aucune interdiction de quitter le territoire. J’ai fait une grève de la faim pour attirer l’attention des associations humanitaires sur mon cas. Je l’ai suspendue après 28 jours car je dois survivre pour ma fille.

Pourquoi avoir voulu échapper à la justice française qui avait engagé des poursuites contre vous après le vol d’un yacht en Corse en 2006 ?
Je n’ai pas tenté de me soustraire à la justice française. Un mandat d’arrêt a été émis contre moi avant même que je sois convoqué chez le juge pour m’expliquer sur ces faits. La vérité, c’est que c’est un autre membre de ma famille qui était coupable. On a voulu m’impliquer dans cette affaire pour nuire à ma tante Leila Trabelsi [NDLR, l’un des cousins d’Imed, Moez, a été condamné à 6 mois de prison avec sursis en Tunisie, dans le cadre de l’entraide judiciaire franco-tunisienne. Imed a bénéficié d’un non lieu].

Avez-vous eu le sentiment d’avoir profité de votre position pour vous enrichir durant le règne de votre oncle, notamment dans l’affaire Bricorama [NDLR, il est soupçonné d’avoir voulu faire main basse sur la filiale tunisienne de l’enseigne en usant de méthodes d’intimidation] ?
Je ne suis pas un ange. Mais je travaillais 14 heures par jour, et la plupart de mes sociétés n’étaient pas bénéficiaires à leurs débuts. Je n’ai par ailleurs jamais tenter de saisir les biens d’autrui.

Quel message souhaitez-vous faire passer aux Tunisiens ?
Le peuple tunisien est dotée d’un intelligence innée. Un jour, la vérité sera connue, et chacun pourra juger l’histoire de façon claire et équitable. D’ici là, j’espère que cette révolution atteindra ses objectifs, en remettant sur pied le système judiciaire, administratif et médiatique. La Tunisie a toujours joué un grand rôle dans l’histoire. Aujourd’hui, je souhaite surtout le meilleur pour ma fille [NDLR, âgée de 2 ans]. C’est une Trabelsi, même si ce nom est désormais connoté négativement au regard de l’histoire. Un jour, elle se fera sa propre opinion.

LeParisien.fr

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