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Votes, solidarité et citoyenneté

La Tunisie a voté. Pour élire son Assemblée Constituante, celle qui se chargera de dessiner le portrait d’un nouveau pays, espéré libre et démocratique après 55 années de pouvoirs personnels et totalitaire, plus de 90% des citoyens en âge de le faire sont allé aux urnes. Volontairement, mus par le seul souci de participer à donner un avenir à un pays, un peuple, une nation. Et c’est maintenant que le vrai printemps tunisien commence; charge est aux élu(e)s du 23 octobre 2011 de concrétiser les promesses de ce printemps, de mettre en place les conditions institutionnelles et normatives gagnantes pour que l’été qui suivra ce printemps amène des moissons abondantes de droits, de liberté, de progrès et de développement équitable aux bienfaits équitablement réparti.

Ce taux de participation n’est pas sans rappeler qu’en juillet dernier au Maroc, ce sont 74% des citoyens de ce pays qui ont voté lors d’un référendum  par lequel une nouvelle constitution était adoptée, pleine de promesses aussi. Aujourd’hui le Maroc s’apprête à élire le parlement qui aura pour mission de transformer cette constitution en réalité et les droits et obligations qu’elle édicte en réalités quotidienne et en outil de progrès humains, sociaux, culturels et économiques. À la lecture de la presse marocaine, dans le bouillonnement d’idées qui caractérise cette période de l’histoire du pays (et du Maghreb en général), un fait revient avec régularité : l’espoir que la mobilisation citoyenne soit aussi forte le 25 novembre prochain qu’elle l’a été en juillet dernier. Des responsables de partis politiques incarnant pourtant différents courants de penser, s’accordent dans leurs déclarations à dire que «leur première victoire électorale» résiderait dans le fait qu’aux législatives le taux de participation soit au moins égal au 74% enregistré durant le référendum.

Il y a donc incontestablement au Maghreb un regain d’intérêt pour la chose commune et sa gestion.

Mais comment cela s’exprime-t-il chez les maghrébins et originaires du Maghreb vivant ailleurs?

La question rencontre une réponse légèrement plus complexe.

Car en fait, ici, on est dans une toute autre conception de la citoyenneté. Une conception qui s’abreuve à deux sources différentes. La première est celle d’une fidélité au pays d’origine qui fait que tout ce qui peut le servir, au sens large, est considéré comme un devoir. Ainsi lorsqu’il s’agit de  se prononcer sur un projet de Constitution (et donc sur un projet de société) tout le monde se sent concerné (le taux de participation a atteint 56% chez les tuniso-canadiens malgré un certain nombre de contraintes de divers ordres). Mais très vraisemblablement, lorsqu’il s’agira d’élire des députés, tunisiens et marocains seront sans aucun doute moins nombreux dans les isoloirs. Et pour cause! Il est clair pour eux tous que dans cet ordre de choses, la seule citoyenneté utile est la citoyenneté de résidence. Dès lors, ils seront sans doute plus nombreux à voter et à faire acte d’éligibilités aux prochaines municipales, provinciales et fédérales qu’ils ne le seront jamais aux consultations similaires se déroulant dans leurs pays d’origines.

Les signes avant coureurs qui nous permettent d’avancer un tel pronostic, alors même que la norme semblait être une certaine paresse civique, ne manquent pas aujourd’hui.

On n’en voudra pour preuve que l’annonce de (nombreuses) candidatures maghrébines aux conseils d’administration des services de santé provinciaux ou l’origine de l’actuel titulaire de la présidence du parti d’opposition officielle  à la Ville de Montréal.

…Qui rejoignent de très nombreux militants, dans différents partis politiques provinciaux et fédéraux, au Québec et dans d’autres provinces, jusque là discrets mais qui, de plus en plus, montent en ligne et en grade. Et qui, à chaque étape, doivent expliquer et convaincre que la citoyenneté s’accommode mal d’esprit de clocher, qu’elle doit se mettre su service de toute démarche de progrès ou qu’elle soit entreprise, qu’elle doit être ainsi à la fois globale et locale, même si de ce fait ce qu’elle exprime comme solidarité transfrontalière peut, parfois être considéré comme un fait suspect.

Abdelghani Dades (Edito Atlas.Mtl numéro 167 du 27 octobre 2011)

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