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Vu pour vous : «Les invasions barbares» de Denys Arcand : La société québécoise vue par un cinéaste du terroir

Dans ce film, Denys Arcand réussit, grâce à son grand talent, une fine description de la société québécoise sur laquelle, il porte un regard sans complaisance et le tout enrobé dans une histoire fictive et simple.
Un scénario tout simple
Rémy, un professeur d’histoire à la retraite, est atteint d’un cancer incurable. Il n’a plus que quelques jours à vivre et c’est l’occasion de réunir autour de lui, son ex-femme, son fils Sébastien et ses amis qui l’accompagneront jusqu’à son dernier soupir.
Mais, au-delà de ce récit, Denys Arcand promène un regard sans complaisance sur la société à laquelle il appartient. Il commence par un des sujets  les plus sensibles : le système de santé.
Le système de santé québécois
Ce système est montré comme  étant encombré, insécure et désorganisé à partir de  scènes dont le réalisme est plus efficace que de longs discours. Arcand promène sa caméra dans les corridors de l’Hôpital où se bousculent, en toute insécurité, toute une population hétéroclite :

 

  • Des malades, en manque de lits, végétant dans des civières ;
  • Des techniciens réparant, dans le plafond, d’énormes câbles pendants jusqu’à atteindre des malades affolés mais impuissants ;
  • Du personnel assurant le nettoyage laissant trainer de gros balais;
  • Du personnel para médical déplaçant des chariots de médicaments ;
  • Des visiteurs.

Un matériel médical obsolète
Tout au long du film, Denys Arcand va alterner la fiction et les critiques acerbes envers sa société. C’est ainsi que pour effectuer une radio thérapie complexe, Rémy  est obligé de se déplacer en ambulance aux États-Unis car le matériel des hôpitaux québécois est soit obsolète soit rare (longue liste d’attente).
Le conflit des générations
Sébastien, le fils du malade, ne s’entend pas avec son père qui voit en lui le symbole du capitalisme décadent. Sébastien est un riche banquier vivant à Londres mais qui, malgré les blessures du passé, revient pour assister son père.
La corruption
La première de ses préoccupations est de trouver une chambre convenable pour son père car, à l’hôpital, les chambres sont doubles ou triples et occupées par des individus dont le seul point commun, c’est d’être malade. Pour aménager une chambre confortable, Sébastien va corrompre la responsable de l’Hôpital comme «dans les pays du tiers monde» et les membres du syndicat  qui, plus tard, lui remettront son ordinateur volé dans la chambre de son père.
Le génocide des indiens en Amérique
Les événements du récit se déroulent pendant la période des attentats du 11 septembre 2001, l’auteur en profite pour rappeler que l’histoire de l’humanité est une histoire d’horreurs. Les espagnols et les portugais, au 16 ème siècle, ont fait disparaitre 150 millions d’indiens en Amérique Latine tandis que les anglais, les français et, éventuellement les américains, avec l’appui de l’église, ont éliminé 50 millions d’indiens en Amérique du Nord.
La libre circulation de la drogue
Pour atténuer la souffrance de son père, Sébastien décide de lui faire consommer de l’héroïne. Pour s’en procurer, il s’adresse à … la police qui connait bien les  points  de vente. Pour l’initier, il fait appel à une toxicomane, amie de la famille qui va aussi l’aider à s’en procurer.  La  police ne s’attaque plus aux dealers car sinon, il faudrait arrêter trop de monde ; de toutes façons, tout dealer arrêté est vite remplacé. Le problème, c’est qu’il « y a trop de monde qui veulent trop de drogue… c’est une invasion !».
Le déclin de la religion
La religion n’est pas ménagée par l’auteur. Accusée d’avoir donné son appui à l’extermination des indiens, elle n’a jamais rien fait pour empêcher les grands crimes de l’humanité. Aujourd’hui, la religion est abandonnée de tous comme tout un attirail (statuts, babioles, argenterie, etc.) ayant servi jadis à la glorifier mais qui, malgré son utilité pour la mémoire collective, n’a plus aucune valeur marchande.

Éloge à la vie
En plus de donner une description réaliste de certaines des tares de la société québécoise, cet excellent film, à partir d’un thème sur la mort, fait l’éloge à la vie. Il magnifie l’amour, la famille et l’amitié. La vie est un grand bien que, parfois l’entêtement et l’orgueil empêchent les hommes et les femmes d’en profiter pleinement.

 

Rubriques : Cinéma, Culture
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